L’obsolescence des compétences dans l’IT :
menace ou opportunité ?
4 QUESTIONS A YANN SAMAMA, FONDATEUR DE SPARKS
En 2017, Dell estimait que 85 % des métiers que l’on exercerait en 2030 n’existaient pas encore. Alors que la durée de vie moyenne d’une compétence n’a cessé de se raccourcir depuis les dernières décennies (particulièrement dans l’IT), est-il possible, pour les entreprises du secteur, d’en faire naître des opportunités ? Parce qu’un organisme de formation joue un rôle clé dans l’anticipation de l’obsolescence des compétences, interview avec Yann Samama, fondateur de Sparks pour faire le tour de la question.
En quoi l’obsolescence des compétences est-elle spécifique au secteur de l’IT ?
Yann Samama : « Les technologies de l’information évoluent toujours plus vite. On peut les représenter avec une courbe asymptote, correspondant à une technologie naissante, mature et vieillissante. Ces cycles sont de plus en plus courts : à peine le temps de s’adapter à une nouvelle technologie qu’il faut passer à la suivante. À titre d’exemple, le framework Angular a tellement mis à jour ses versions qu’elles ne sont même plus numérotées. Or, cette technologie qui a moins de 10 ans est déjà mise en concurrence par un autre framework, React. Aujourd’hui, avoir des compétences sur la dernière version d’Angular est moins important pour l’employabilité d’un développeur que d’avoir ouvert son champ de compétences sur du React : la mise en concurrence des technologies et la rapidité avec laquelle il faut les intégrer génèrent de la crainte de la part des entreprises et de leurs ingénieurs. »
Quel rôle peut jouer un acteur de la compétence auprès des entreprises qui souhaitent anticiper cette obsolescence ?
Yann Samama : « Notre rôle est critique pour conserver les équipes : les organisations ont besoin de pallier la crainte qu’ont les ingénieurs d’être dépassés par les technologies et de perdre en compétitivité sur le marché de l’emploi. Il est possible de retenir un talent en lui permettant d’être à jour, de pouvoir se former et d’avoir des compétences valables. Les entreprises avec lesquelles nous travaillons ont le choix : prendre ces évolutions de plus en plus fréquentes et de plus en plus rapides comme une menace ou comme une opportunité. En le prenant comme une menace, on perd en résilience par rapport aux organisations qui la vivent comme une opportunité d’aller plus vite, d’être plus efficaces, productifs et compétitifs. De fait, les entreprises et services IT doivent être certains que les talents en place sont capables de mener ces batailles. Notre offre de formation est construite et enrichie pour être en phase avec les enjeux et tendances majeurs de transformation numérique de l’entreprise. En ce moment par exemple, le cloud, la cyber sécurité, la big data, la blockchain, l’IA et les nouveaux métiers qui en découlent. Nous aidons les entreprises à absorber ces chantiers par la formation. »
Faites-vous une différence entre formation et développement de compétences ?
Yann Samama : « À titre pratique, la Fédération des Formations Professionnelles se renomme aujourd’hui les « acteurs de la compétence ». Le vocabulaire a changé : les éléments de langage tendent vers la disparition de la formation au profit du développement de compétences. Ce qui va plus loin et est plus riche.
On est face à un changement de paradigme. La grande différence est que la formation et le développement des compétences doivent aujourd’hui servir un objectif professionnel donné. Notamment via les plans de développement des compétences. »
Les enjeux sont-ils différents en fonction des typologies d’entreprises IT ?
Yann Samama : « Pour un éditeur de logiciels, les besoins de formation portent principalement sur des nouvelles méthodologies et technologies à mettre en place, et surtout, à grande échelle. La spécificité de ces projets est qu’ils sont massifs : ils découlent d’une nécessité globale de changer la manière de travailler de l’entreprise dans le cadre de plans de transformation. Pour une DSI, le recueil de besoin individuel fait foi : ces sujets plus unitaires sont consolidés et remontés puis mis en cohérence avec la stratégie de développement de l’entreprise et de la DSI. Pour une ESN, l’ensemble sera drivé par de forts objectifs de business et d’employabilité. »